Manuel Legris programme la chorégraphie du Lac des cygnes de son maître Rudolf Noureev. Cette reprise remplit la salle de la Scala. En pleine Fashion Week à Milan, une œuvre qui traverse les modes et les saisons.
Le Lac des cygnes
Musique : Piotr Ilytch Tchaïkovski (1840-1893)
Chorégraphie : Rudolf Noureev d’après Marius Petipa et Lev Ivanov
Direction musicale : Koen Kessels
Ballet et Orchestre du Teatro alla Scala
Teatro alla Scala du 15 au 27 septembre
Après la trêve estivale et son célèbre Ferragosto, reprendre le cours de la saison milanaise avec le Lac des cygnes dénote d’une belle ambition de travail. Manuel Legris, Directeur du ballet, l’assume doublement en privilégiant la version Noureev qui s’avère l’une des plus exigeantes, notamment pour le rôle du Prince Siegfried. Ces dernières années la Scala a également affiché les versions de Vadimir Bourmeister et d’Alexandre Ratmansky, divertissant et instruisant le public milanais d’habitués ainsi que les nombreux visiteurs de ce théâtre mythique.
La chorégraphie de Noureev, souvent décrite comme « freudienne », marque l’ambiguïté de la relation entre Siegfried et son précepteur, double du mauvais génie Rothbart. Le découpage en deux actes et l’enchainement parfaitement lié des actes de cour et des actes blanc rend la soirée véloce et riche d’émotions. Les décors d’Ezio Frigerio, leur sobriété teintée d’une lumière diffuse, ainsi que les costumes stylisés de Franca Sqaurciapino se marient à merveille.
Rudolf Noureev aimait à dire que la vedette du Lac était le Corps de ballet et cette vision fait parfaitement sens dès le premier acte tant la valse et sa construction allègre met en valeur les qualités de l’ensemble. Evidemment ce sont les tableaux en blanc qui force l’admiration du grand public. L’essentiel de la chorégraphie demeure l’œuvre intemporelle de Lev Ivanov mais Noureev façonna quelques détails qui font de ces lignes et ces courbes une pierre précieuse idéalement taillée.

Le Lac des cygnes comprend son lot de moments fort attendus comme ce pas de trois au 1er acte qui fut sagement interprété par des solistes de la compagnie, appliqués mais sans grand panache. Le mérite revient plutôt à Claudio Coviello, interprète du difficile rôle du Prince, traditionnellement relégué à un être un peu niais ou bien à un simple porteur de danseuse. Coviello fait montre d’une danse souple et stylée. Sa variation lente qui relie ingénieusement l’acte de cour et le premier acte blanc montre qu’il a compris l’enseignement de Manuel Legris et d’Isabelle Guérin qui travaillèrent directement avec Noureev à l’entrée au répertoire de l’œuvre au Ballet de l’Opéra de Paris. Un peu de fatigue au troisième acte auront terni cette première forte impression.
Le double rôle d’Odette/Odile échoit à Martina Arduino. Proportions de ballerine porcelainée, ravissants pieds, la prima ballerina connait son corps et son métier. En noir elle lutte un peu dans cette variation redoutée du Cygne noir mais elle tient sa revanche dans la coda.
Noureev a également renforcé la présence et musclé la chorégraphie pour le vilain Rothbart. Christian Fagetti, soliste, tire parfaitement son épingle du jeu.
Le seul bémol de cette production vient de la fosse d’orchestre. La direction pour le moins pompière de Koen Kessels affecte l’émotion attendue de l’une des plus belles partitions de ballet.