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Myd en studio comme un Soprano

Ce samedi 28 octobre, DJ Myd joue dans la salle Razzmatazz. Dans la performance, il combinera des pièces des autres et de lui-même, créant ainsi son propre univers. Myd a joué plusieurs fois à Barcelone dans la même salle, avec ou sans musiciens. Et il a également participé à Sonar. Dans cette ville, il a un public réceptif. Profitant de la performance, nous dressons le profil de l’artiste.

Jusqu’à 14 ans, à Villeneuve d’Asq, dans le nord de la France, la musique ne passionne pas Myd. Ca c’est jusqu’à ce qu’il découvre l’univers sonore électronique et le dj’ing. Comme tous les adolescents, il éprouve la nécessité absolue de jouer et d’imiter ses idoles. Sauf que lui ce n’est pas d’une guitare et de JImmy Hendrix dont il est question, mais d’un ordinateur et de Fatboy Slim. A cette époque, Napster, Kazaa et emule font circuler les sons sans qu’il soit nécessaire de payer. Soulseek offre en plus la possibilité de scruter les bibliothèques partagées par les autres et d’y découvrir de nouveaux horizons. Il se nourrit. C’est la musique anglaise, aux confins de la pop et la musique électronique, qui se déverse dans ses oreilles: Chemical Brothers, Moby, Prodigy ou Fat Boy Slim font de la musique inspirée de la techno, mais la rendent ouverte au grand public. Ils font des hits, des concerts et même des publicités. Leurs clips, comme pour Daft Punk, sont révolutionnaires. Leur image est très travaillée. Ces projets le fascinent. Ils montrent que c’est possible.

D’un côté il commence par s’entraîner à mixer sur des platines, avec des vinyles; de l’autre avec son ordinateur, il sample un peu tout et n’importe quoi, pour voir. Il prend le temps. Le lycée est un calvaire. Il part à la Fémis et non au Fresnoy, qui pourtant est plus proche, mais trop arty. C’est la technique, la technique concrète du son qui le passionne, avec les micros, les câbles et les machines, qui au final produisent des émotions. Il se retrouve avec des passionnés comme lui. Tout change. Il comprend comment utiliser la technique au service de l’art: quel micro, quel préampli. Il apprend à se servir d’un Nagra à bandes, d’origine russe. Il observe les vibrations qui varient selon les supports. Il découvre la valeur des défauts, l’importance de la subjectivité des ingénieurs. Aujourd’hui encore, il est attentif au son des séries, en expert. Un film, Petit paysan, porte sa musique, qui a été primée. Si on lui demande, il parle de la série Soprano, qu’il vient de terminer, en admirateur. Les années 2000 l’inspirent dans ses clips et dans ses images. Il est fasciné par les anti héros, comme Tony Soprano. C’est ce dont parle son premier album.

Le DJ Myd @Alice Moitié

Ces années là, il tourne déjà en tant que DJ dans le monde entier. Ses camarades partent dans le cinéma, lui dans la musique. Après la Fémis, il s’engage naturellement dans cette voie. Il varie ses explorations de styles, varie ses inspirations. Il s’ouvre à la folk avec Elliott Smith. Il écoute Michel Berger et analyse ses modes de composition. Ses productions s’enrichissent harmoniquement. Il cherche à la fois l’émotion et la danse. Il touche à tous les instruments, sans vraiment en jouer un mieux qu’un autre. Son outil, c’est le studio: l’imbrication de tous les supports pour créer son univers sonore.

Le premier morceau qui lui permet de gagner de l’argent tout en faisant danser les gens, c’est Train to Bamako, en 2008. On l’invite en Australie pour une tournée. Le titre reflète le sample de chant africain, et il imagine un voyage jusqu’au Mali. Comme Bob Sinclar et Martin Solveig, l’univers africain fascine Myd. Il se dit que son projet musical est réalisable après cela. Il collabore avec d’autres musiciens, puis s’enferme un an, seul au studio. All inclusive est le premier morceau qui en ressort. Il mélange ses ingrédients: la folk californienne, la french touch… L’album lui permet de signer chez Ed Banger, le label parisien de Daft Punk, en 2017. Sur le même disque, il y a The Sun, son tube planétaire. Il faut trois ans entre la sortie et le succès. Le public prend le temps de se l’approprier. Cela n’étonne pas Myd, qui comprend qu’un classique prend du temps à accompagner la vie des gens. Pour longtemps.

Son propre son lui semble naturel. C’est comme une manière de parler, une voix, un accent. On peut les masquer, mais la voix revient et l’accent on le reconnaît. Myd est reconnaissable à ses accords, à sa manière de mixer les voix. Il s’adapte aux autres par le dosage et l’écoute des projets. Avec Calcutta, sur son dernier album Relax (2023), le temps passé ensemble permet de trouver l’équilibre. Le côté club n’intéresse pas l’italien. C’est plutôt les sons, la manière d’approcher certains instruments comme les percussions. C’est un travail d’équipe. Myd évite le travail à distance type zoom qui fait perdre du temps et enlève l’humanité dit-il. Il voyage vers les studios et arrive avec ses instruments, ses propres outils, durant de longues heures. Les chansons de Calcutta par exemple, sont déjà écrites. Myd propose des solutions à l’équipe. La règle c’est de tout essayer. Convaincre quelqu’un de faire quelque chose est aussi long que de le faire avec lui, pour voir. Alors on fait et on voit. Il faut laisser l’ego de côté. Les batteries enregistrées peuvent au final être abandonnées pour des boites à rythme, sans que personne, ni même le batteur, ne s’y oppose. L’équipe vise la meilleure musique possible. Il ne faut pas croire que parce que quelque chose est long et difficile à faire c’est bien. Parfois un passage dicté à l’iphone est meilleur que son équivalent joué sur les meilleurs instruments. On le chauffe. Oui il a collaboré avec des artistes espagnols comme Gouljaboy. Et oui il rêverait de travailler avec Rosalia, c’est évident, dit-il!

Dans une image promotionnelle.

Ce samedi 28 octobre il joue comme DJ au Razzmatazz. Dans ces sets, il enchaîne des morceaux d’autres et de lui-même, des edit, des remixes. Il crée un univers qui lui ressemble. La meilleure bande son possible selon les ondes qui rôdent le soir en question. Il a joué de nombreuses fois à Barcelone dans la même salle, avec ou sans musiciens, il a participé à Sonar aussi. Barcelone a un public réceptif et habitué à ce qu’il produit, il le reconnaît.

Au final, il dit ne penser quasiment qu’à la musique. Le management et les réseaux? Oui. Mais d’abord la musique. Ces jours-ci, il alterne le studio en semaine et le jeu en clubs le week-end. Rien à faire, on ne saura pas ce qu’il enregistre. Peut-être y aura-t-il des indices samedi ?

Sébastien Planas
Realitzador nascut el 1975. Director del Filaf (Festival Internacional del Llibre d’Art i del Film) de Perpinyà. Membre del jurat de Cinema dels Premis El Temps de les Arts.

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