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Un Lac unique

Un grand ballet de Noël comme chaque année à l’Opéra Bastille et un succès public incontesté tant les billets sont rares et l’accueil du public chaleureux pour ce qu’il est de coutume de nommer le « ballet des ballets ». Constellation d’Etoiles et de Premiers Danseurs qui prennent le relais d’Etoiles blessées, la relève pointe.

Le Lac des cygnes
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
Chorégraphie : Rudolf Noureev d’après Marius Petipa
Direction musicale : Vello Pähn
Ballet et Orchestre de l’Opéra National de Paris
Opéra Bastille du 10 décembre au 1er janvier

Cette série du Lac des cygnes débute la même semaine que celle de José Martinez à la tête du Ballet de l’Opéra National de Paris. Un retour par la grande porte pour celui qui fit ses adieux légèrement anticipés pour prendre les reines de la compagnie nationale d’Espagne qu’il a dirigée pendant 8 ans. Le départ à la fois prévisible et inattendu d’Aurélie Dupont annoncé avant l’été avait laissé place à un concours auquel José Martinez avait humblement et logiquement postulé. Sa connaissance intime de la maison, son expérience madrilène ainsi que sa connaissance internationale du monde de la danse, en tant qu’interprète et plus récemment comme chorégraphe en firent l’élu de la commission de sélection et d’Alexandre Neef. Un choix très consensuel au sein d’une compagnie un peu meurtrie par la direction précédente manquant d’humanité et perturbée par les interruptions de la Covid. Evidemment le travail de préparation de cette série du Lac des cygnes préexistait à sa prise de fonction mais on imagine qu’il mit sa patte rapidement par sa présence et son implication quotidiennes. Martinez fut un grand interprète du rôle de Siegfried, notamment avec sa partenaire privilégiée Agnès Letestu. Un rôle qu’il affina avec le temps et qu’il aura à cœur de transmettre pour ces 16 représentations mais également dans des séries à venir.

La version de Rudolf Noureev date de 1984, chorégraphie d’après Marius Petipa et Lev Ivanov qu’il avait déjà rôdée dans une version antérieure pour le Ballet de l’Opéra de Vienne. Le rôle d’Odette/Odile demeure le point focal du ballet mais l’histoire est contée à travers le Prince Siegfried, sa recherche de l’amour absolu, l’ambiguïté suggérée de la relation entre le Prince et Rothbart le précepteur/mauvais génie. Le rôle masculin s’avère plus riche narrativement et chorégraphiquement comme pour l’ensemble du Corps de ballet masculin très sollicité au premier acte. L’épure des décors souhaitée par Noureev contribue au caractère intemporel de cette production inoxydable à bientôt 40 ans même si un membre du public pensait que ce parti-pris résultait d’une grève des décors de l’Opéra.

Una répresentation unique

La représentation du 26 décembre revêt un caractère unique car elle n’affiche aucune étoile mais deux Premiers danseurs, Héloïse Bourdon et Pablo Legasa et Thomas Docquir, Sujet. Cela n’a rien d’exceptionnel et l’Opéra a souvent mis à l’épreuve ou donné sa chance à des solistes pas encore couronnés du titre suprême. Pour Héloïse Bourdon il s’agit de retrouvailles avec un rôle qu’elle étrenna plus tôt dans sa carrière sous la mandature de Benjamin Millepied. Elle avait assuré avec maestria des remplacements nombreux et c’est donc en toute confiance qu’elle pouvait aborder cette représentation. Effectivement la ballerine en cygne blanc fait montre d’une belle maîtrise des tempi avec le legato attendu pendant l’Adage et la Variation du cygne blanc. Très habilement et sans outrance ni vulgarité aucune elle bascule dans le troublant double d’Odile. Dans la redoutée variation du cygne noir elle se joue des tours-attitude avec un calme rare et une netteté que certaines étoiles pourraient lui envier.

Son partenaire Pablo Legasa peut sembler un peu plus vert dans ce rôle mais ses lignes font honneur à la fameuse Variation lente qui marque la transition entre le 1er et le 2ème acte. La souplesse de ses arabesques et son interprétation inspirée font honneur à l’ambition que Noureev avait pour ce rôle qui l’accompagna et qu’il façonna toute sa carrière d’interprète puis de chorégraphe. La richesse de cette représentation provient de la relation parfaitement suggérée avec Rothbart campé par Thomas Docquir. Le charisme de ce dernier dès le 1er acte suggère parfaitement l’emprise qu’il va exercer sur le Prince. Docquir joue parfaitement de la cape de ce costume parfois embarrassant. Il ondule également en parfaite synchronie avec Odile et se sort sans trop de frayeur de la terrible variation du 3ème acte avec ses tours en l’air extrêmement rapides et son manège de tours-assemblés.

Cette représentation du Lac comporte d’autres attraits et notamment une distribution fort équilibrée du Pas de trois au 1er acte de cour. Aubane Philibert offre une première variation lumineuse et confiante quand Silvia Saint-Martin confirme l’élégance et la technique de son rang de Première danseuse. Un titre récemment acquis par Antoine Kirscher qui gagne en maturité et en précision au fil des représentations.

Comme Noureev le souhaitait ce ne sont pas uniquement les solistes qui font la richesse d’un Lac mais la star de l’œuvre doit être le Corps de ballet et particulièrement pour ses deux actes-blanc. Les lignes semblent tirées au cordeau, bras et bas de jambes tricotent et perlent à l’unisson. D’aucuns pourraient trouver le bruit des pas un peu trop prégnant mais cet écueil semble fondre à mesure que la série de spectacles progresse. Les petits cygnes au port de tête parfaitement placé tirent leur épingle du jeu quand les grands cygnes s’imprègnent du lyrisme de la musique. Paradoxalement il s’agit probablement de la principale note dissonante de ces Lacs des cygnes. L’Orchestre de l’Opéra de Paris n’est pas à la hauteur et particulièrement les cuivres et les bois. Quel paradoxe lorsqu’on mesure les attentes et l’enthousiasme du public à l’égard du chef et des musiciens au moment des saluts. Le ballet n’a jamais eu le prestige du lyrique au sein de l’orchestre mais la phalange commise d’office pourrait faire preuve d’un peu plus d’engagement.

L’Opéra de Paris va enfin prendre quelques congés de fin d’année mais très rapidement le public le retrouvera Tchaïkovski dans le somptueux Ballet Impérial de George Balanchine et le très américain Who Cares, avec musique de George Gershwin, au Palais Garnier.

Vincent Le Baron
Vincent Le Baron, diplômé de droit à la Sorbonne à Paris, a débuté la critique de danse il y a environ vingt ans. Formé par René Sirvin au quotidien Le Figaro, il collabora à deux revues de danse mensuelle, Danse Light et Ballet 2000. Vincent a couvert pour ces supports les saisons de l’Opéra de Paris mais également des représentations en région ainsi qu’en Europe, à New York et à Tokyo. Pendant quelques années de 2014 à 2018, Vincent collabora à altamusica, un site principalement spécialisé dans la musique mais comportant également une tribune de danse. Sa dernière collaboration fut à la prestigieuse Ballet Review qui compta de longues années les signatures prestigieuses de Clement Crisp et Clive Barnes. Occasionnellement il participa à la rédaction des programmes dont ceux du Théâtre du Châtelet à Paris.

Vincent Le Baron, llicenciat en dret per la Sorbona de París, va començar a escriure crítica de dansa fa uns vint anys. Format per René Sirvin al diari Le Figaro, va col·laborar en dues revistes mensuals de dansa, Danse Light i Ballet 2000. Per a aquests mitjans, Vincent va cobrir les temporades de l'Òpera de París però també actuacions a la regió i a Europa, a New York i Tòquio. Durant uns anys, del 2014 al 2018, Vincent va col·laborar a altamusica, un lloc principalment especialitzat en música però que també inclou un fòrum de dansa. La seva darrera col·laboració va ser amb la prestigiosa Ballet Review que durant molts anys va incloure les prestigioses signatures de Clement Crisp i Clive Barnes. De tant en tant va participar en la redacció de programes, entre ells els del Théâtre du Châtelet de París.

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